Bien-vivre sa grossesse : les conseils de la psychologue Mathilde Bouychou
Devenir un parent confiant, rencontre avec une femme inspirante.
Mathilde Bouychou, psychologue clinicienne spécialisée en périnatalité et parentalité, créatrice et animatrice du podcast Parentalité(s), auteur de l’ouvrage Désir d’enfant, 15 histoires pour questionner et mieux vivre sa parentalité, est une référence dans l’accompagnement des jeunes mamans.
Mathilde Bouychou est également formatrice depuis plus de 15 ans en milieu hospitalier sur les sujets de périnatalité. Elle oriente, conseille, aide le personnel soignant autour des notions du deuil périnatal, des difficultés maternelles, et le lien parent-enfant, avec pour objectif d’améliorer l’accompagnement des jeunes parents dans leur parcours de soin.
Forte d’une riche expérience clinique, elle accompagne depuis de nombreuses années les femmes dans les étapes cruciales de la maternité, du désir d’enfant aux premiers mois post-partum. En tant que fondatrice d’un cabinet dédié au soutien périnatal, Mathilde Bouychou combine ses connaissances scientifiques et son écoute bienveillante pour répondre aux défis émotionnels que rencontrent les futures mamans et les futurs parents.
Grossesse, la peur face à la venue d’un bébé
Dans vos consultations, quelles sont les peurs les plus fréquentes exprimées par les futurs parents concernant leur projet d’enfant ? Quels conseils pratiques donnez-vous pour aider à surmonter ces angoisses ?
Ces angoisses sont généralement de deux ordres. Il y a les peurs matérielles et économiques, en lien avec le monde dans lequel nous vivons : la guerre, le contexte écologique, etc. Ces craintes sont exprimées régulièrement dans mon cabinet, surtout lorsque l’actualité les exacerbe. Ces préoccupations sont souvent avancées en premier lieu par les personnes que j’accompagne.
Viennent ensuite les peurs relatives à la capacité à devenir parents. Certaines personnes doutent de leur aptitude à répondre de manière satisfaisante aux besoins d’un enfant. Elles se demandent si elles vont réussir à élever un enfant, avec la crainte qu’il ne soit malheureux ou qu’il ne se développe pas bien, voire qu’il mène une vie difficile une fois adulte et avec parfois l’inquiétude que cela puisse être de leur faute.
Les premières peurs, liées à l’environnement et aux conditions financières, peuvent parfois masquer des angoisses plus profondes concernant leurs compétences parentales. Ces craintes sont souvent en lien avec leur propre histoire, notamment chez les personnes ayant eu une enfance difficile marquée par la maltraitance, la négligence ou des relations conflictuelles avec leurs parents. Ces vécus peuvent réactiver et cristalliser de l’anxiété concernant leur capacité à faire différemment que ce qu’ils ont connu enfant.
La peur de reproduire un schéma de négligence ou de maltraitance est fréquente, avec le souhait que leur enfant souffre moins qu’eux-mêmes par le passé.
Gérer le stress de devenir parent
Comment, alors, surmonter ces angoisses lorsque l’on s’apprête à devenir parent ?
Premièrement, il est essentiel de reconnaître, d’accueillir et de nommer ces peurs. Cela permet de les extérioriser et souvent, en prenant du recul, d’apaiser les choses. Lorsque ces pensées deviennent envahissantes, il est important de trouver un interlocuteur ou une interlocutrice bienveillante qui pourra accueillir ces peurs et aider à les dédramatiser. Ce dialogue peut se faire avec un conjoint ou des amis, mais aussi par l’écoute de témoignages ou de podcasts, qui aident à se sentir moins seul.
Si cela ne suffit pas, il est important de consulter un professionnel – un thérapeute ou un psychologue – qui pourra aider à la fois à réfléchir au projet d’enfant et à apaiser ces inquiétudes, afin que les futurs parents puissent envisager la parentalité avec plus de sérénité.
Comprendre ses désirs face à la parentalité
Votre ouvrage aborde le désir d’enfant à travers des cas illustrés.
Comment ces histoires graphiques peuvent-elles concrètement aider les couples ou les personnes en solo à mieux comprendre leurs propres désirs et appréhensions face à la parentalité ?
Les histoires illustrées par Mathilde Lemiesle (connue sur Instagram sur le compte @mespresquesriens) ont pour objectif de permettre aux personnes de s’identifier. Chaque histoire est singulière, mais les lecteurs peuvent retrouver des problématiques communes, se dire qu’ils ne sont pas seuls à traverser certaines difficultés. Même si chaque situation est unique, il existe des similitudes qui permettent de réfléchir et peut-être de trouver des pistes de solution.
Ces récits permettent aussi de sortir de l’isolement, de stimuler la réflexion. L’idée était de rendre le livre vivant et concret, en mêlant plusieurs histoires pour mettre en lumière certains aspects, comme je cherche à le faire avec les témoignages du podcast.
Ces histoires touchent profondément, et permettent de s’identifier de manière intime à ce qui est raconté. Mon objectif n’était pas d’écrire un livre théorique, mais plutôt un ouvrage pratique, que chacun puisse s’approprier pleinement.
Conseils pour les couples qui rencontrent des difficultés
Quand un couple traverse des difficultés telles que des interruptions de grossesse répétées, des échecs en Procréation Médicalement Assistée, quels outils ou approches recommandez-vous pour maintenir le dialogue et l’équilibre émotionnel au sein du couple ?
C’est une question très vaste. Ces épreuves sont d’abord vécues individuellement au sein du couple, puis se répercutent sur la dynamique du couple. Bien souvent, ces situations mettent en lumière des difficultés préexistantes, notamment au niveau de la communication ou de la sécurité émotionnelle.
Un couple qui dispose d’une communication fluide, où chacun peut exprimer sa vulnérabilité, traversera ces épreuves plus facilement qu’un couple au sein duquel des tensions ou des insécurités préexistent. Il est donc essentiel de favoriser la communication, de permettre à chacun d’exprimer ce qu’il vit, en reconnaissant que l’expérience de l’homme et de la femme peut être très différente, notamment sur le plan physiologique.
Lorsque le dialogue devient difficile, il ne faut pas hésiter à solliciter une aide extérieure, comme un thérapeute spécialisé en périnatalité ou un psychologue de couple. Il ne s’agit pas forcément d’un suivi à long terme. Parfois, quelques séances suffisent pour aider à rétablir le lien.
Femme et désir d’enfant, se protéger des remarques
Dans votre livre, vous parlez de l’importance de déconstruire certaines injonctions sociales liées au désir d’enfant. Comment les jeunes gens en âge de procréer, notamment les femmes, peuvent-ils se protéger des pressions de l’entourage et gérer les remarques souvent intrusives ?
Ce n’est pas une question facile. Il est vrai que les femmes subissent encore beaucoup de pression de la société sur la question de la maternité. Même si les choses commencent doucement à évoluer, ce poids social reste important.
Pour se protéger des pressions, il est essentiel de travailler sur son propre positionnement : se demander « pourquoi ce choix est-il le mien aujourd’hui ? » Être en paix avec sa décision rend les remarques de l’entourage moins perturbantes. Il est également important de savoir poser des limites, de protéger son intimité, et de s’affirmer face aux commentaires intrusifs. Ce travail d’affirmation de soi, parfois nécessaire, peut être accompagné d’un travail thérapeutique.
Devenir parent sans culpabilité
15 histoires pour mieux vivre sa parentalité
Pour les femmes qui doutent de leur désir de maternité ou qui ont des difficultés à embrasser leur rôle de parent, quelles pratiques recommanderiez-vous pour explorer ces sentiments sans culpabilité ?
Devenir parent est un processus qui prend du temps. Il est important de rappeler que l’instinct maternel n’existe pas, et que la parentalité se construit progressivement, dès l’expression du projet d’enfant, tout au long de la grossesse et au fil des premières années de vie de l’enfant. Ce processus est influencé par l’histoire personnelle de chacun.
Pour les femmes qui ressentent des difficultés, il est essentiel de comprendre que ces sentiments font partie du cheminement. Si la culpabilité devient envahissante, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par un professionnel. Il s’agit d’un processus long et la sérénité ne s’installe pas toujours immédiatement.
Retrouvez l’ouvrage, le podcast et les actualités de Mathilde Bouychou sur son site dédié.